Vous êtes stressé dans votre vie et n’arrivez pas à lâcher prise. Et quand la situation vous dépasse, on vous reproche de ne pas être “zen”. Et si vous essayiez le tai-chi-chuan ?
“Ah, vous voulez dire ces personnes âgées qui font des mouvements très lents, tous les matins super tôt dans le jardin public ?” C’est probablement le genre de préjugés que vous avez sur cet art martial, qui est bien trop souvent considéré comme une gymnastique douce. Pourtant, il n’est pas destiné au troisième âge, et n’est pas aussi facile à exécuter qu’on le prétend. Avec les nombreux bienfaits qu’on lui prête, et dans une quête perpétuelle dans la recherche du bien-être, comment devenir zen avec le tai-chi-chuan ?
Le tai-chi-chuan : c’est quoi ?
Définition du tai-chi-chuan
Avez-vous vu plusieurs termes qui se ressemblaient comme “tai-chi-chuan”, “taijiquan”, “tai chi”… ? Bonne nouvelle, il s’agit en fait d’orthographes différentes du même mot ! Il est vrai qu’il est parfois compliqué de retranscrire les langues qui ne s’écrivent pas avec l’alphabet latin, car il ne leur est pas forcément bien adapté. On traduit le nom de cet art martial chinois par “poing du tai-ji” ou “boxe du tai-ji”. Il est composé de 3 hànzì, à savoir :
太 “tài” signifie “très”, “vraiment” ;
极 “jí” pour “extrême”, “suprême” ;
拳 “quán” veut dire “poing”.
Le tai-chi-chuan est considéré comme un art martial interne, 内家拳 (nèijiaquán). En opposition aux arts martiaux externes comme le kung fu, ceux qui sont considérés comme “internes” cherchent à atteindre leur but indirectement. Plus on en fait, plus on ressent ses bienfaits. On décuple ses performances à travers l’âge, contrairement à d’autres sports. Et la souplesse prime sur la force. Étonnant, n’est-ce pas ?
En quoi ça consiste le tai ji quan ?
Une bonne posture est primordiale dans le tai chi
Le tai chi se pratique debout, bien droit. La maîtrise de la respiration abdominale est mise en avant. Elle se doit d’être précise, mais aussi lente, comme les mouvements. Cette importance de la respiration est en réalité une pratique récente, et non traditionnelle. Elle a l’avantage de repousser les tensions ou les blocages dans le corps.
L’équilibre et la souplesse, les fins piliers du tai-chi-chuan
Si certaines personnes persistent encore à promouvoir le tai ji quan comme une “gymnastique chinoise douce”, sachez qu’elles ont tort. Certes, les mouvement exécutés sont lents, mais cela ne veut pas dire que c’est réservé à des pratiquants âgés pour autant ! Pendant les entraînements, il faut faire preuve d’équilibre. L’enracinement est un terme que vous retrouverez constamment lors de vos séances de tai-chi-chuan. Cela vous rappellera sans doute un arbre aux branches souples se pliant au gré du vent, mais avec des racines solides rattachées profondément dans le sol. Ces dernières lui permettent de rester ancré dans le sol, malgré les intempéries auxquelles il doit faire face. Non seulement, une cohésion haut du corps/bas du corps est demandée dans cet art martial, mais en plus, le fait d’être enraciné nous rend alerte et réceptif à notre environnement. Cette prise de conscience est primordiale dans la posture adoptée lors des séances.
La souplesse est également de rigueur. On ne s’en rend vraiment compte que lorsqu’on pratique le tai chi. C’est souvent bien loin de ce que vous pouvez voir le matin dans le jardin public, dans nos pays occidentaux. D’ailleurs, saviez-vous que cette pratique était récente, dans le but de s’adapter à une vie urbaine ? Les gens préfèrent se retrouver dans un endroit qui se rapproche le plus possible de la nature. Et lorsqu’on est cerné par des bâtiments vertigineux et les pots d’échappement des voitures de la ville, qu’est-ce qui se rapproche le plus d’un environnement vert et sain ? Un parc, bien sûr !
La lenteur du tai-chi-chuan : sa particularité
Mais pourquoi le tai-chi-chuan est-il exécuté à cette vitesse pour le moins déconcertante ? C’est vrai qu’après tout dans notre inconscient collectif, un art martial est vif. Il est rapide, net et précis. L’objectif du tai ji quan, vise à libérer les blocages, les tensions. Ils s’éliminent peu à peu grâce à la lenteur des gestes. En effet, on n’est pas essoufflé, contrairement aux arts martiaux externes. Le rythme peu élevé aide à mémoriser correctement les mouvements, pour les reproduire et les exécuter fluidement. Cette lenteur est en réalité héritée du taoïsme.
L’histoire du tai chi : plus des spéculations que des faits avérés
Plusieurs histoires gravitent autour des origines du taiji quan, impossible de vraiment dire qui en est le véritable créateur… Une légende raconte que la forme moderne de cet art martial serait né d’une observation d’un combat entre un oiseau et un serpent. Ce dernier aurait gagné grâce à ses mouvement plus lents, qui étaient fluides et précis. De cette conclusion, le moine taoïste Zhang Sanfeng (张三丰), aurait créé au XIVe siècle le tai-chi-chuan tel que nous le connaissons aujourd’hui. Enfin, plus ou moins, à savoir que la transmission de cet art se fait de manière orale, il y a donc forcément eu des déformations. Fait étonnant, mais le tai ji quan est populaire en Chine depuis très peu de temps : depuis le milieu du XIXe siècle, tout au plus. Il y a une raison à cela : c’était un art martial jalousement gardé, il fallut attendre que Yang Luchan (杨露禅) en fasse publiquement la démonstration à Pékin pour qu’il soit officiellement reconnu. Il est dit que celui-ci était en train d’espionner le maître Chen Chan Xing (陈长兴) qui l’enseignait alors à des membres de sa famille. En
le reproduisant secrètement chez lui, il parvint à atteindre un niveau plus que confortable ; à tel point que le maître décida de lui transmettre son art, bien qu’il n’appartienne pas au clan Chenjiagou (陈家沟).
Le Tai-chi-chuan s’est inspiré du taoïsme
Dans tous les cas, cet art martial découle du taoïsme (道教, dàojiào). Son père fondateur serait le sage chinois Lao Tseu (老子). Ce n’est pas une religion, mais une manière de penser, où trouver l’harmonie dans toute chose est très important… avec une certaine lenteur. Cela vous rappelle un certain tai ji quan, non ? La vitesse très peu élevée permet de mieux comprendre et de se transformer durablement.
On y retrouve notamment :
les cinq éléments, à savoir : l’eau, le feu, la terre, le métal et le bois ;
le fameux symbole du tai ji : le yin et le yang où les deux polarités se neutralisent lorsqu’il y a équilibre. Par exemple lorsque vous donnez, vous recevez. L’un sans l’autre créera un vide, un déséquilibre ;
le qì (气).
Dans le taoïsme, le qì ou chi, est une énergie qui habite tout être vivant : que ce soit la petite plante dans votre jardin à l’être humain que vous êtes. Il doit circuler constamment, car s’il se retrouve bloqué, quelque chose de mauvais se produit (stress, tensions, blocages, maladies…). Grâce au tai-chi-chuan, vous permettez à votre chi de se déplacer sans accroc dans tout votre corps. Le souffle (ou la respiration) joue un rôle important : c’est lui qui permet d’inspirer les énergies et des les relâcher. C’est comme une sorte de communication entre le corps et l’esprit. Sans respiration, le qì ne circule plus en vous.
Le Zen, qu’est-ce que c’est concrètement ?
Dans la pensée occidentale, le zen est un mode de vie
Être zen, ça vous évoque quoi, au juste ? Pour la plupart d’entre nous, c’est être calme, serein, être en harmonie en soi-même. Sauf que disons-le honnêtement : ce terme est plus un abus de langage qu’autre chose. Eh oui ! Pourtant, nous l’employons de cette manière ici, on peut donc parler d’un “zen occidental”. Dans ce sens-là, on peut s’en référer comme une philosophie de vie. Sachez que de nombreuses disciplines s’en inspirent, afin d’aider les personnes qui les pratiquent à trouver un mieux-être, comme la sophrologie, par exemple.
Pour le Japon, le zen est indissociable de la religion bouddhiste
Si je vous dis que le zen est en réalité une des nombreuses branches du bouddhisme ? Vous seriez surpris, car quand on emploie ce terme dans le langage courant, nous n’y voyons pas de contexte religieux. Or, à l’origine, c’est le cas. Il découle d’une branche
japonaise du bouddhisme dit “mahâyânâ”. Dans le zen, on vit l’instant présent, sans peur, mais aussi sans attente. C’est rester le plus objectif possible quoi qu’il arrive, tout en appréciant la simplicité de la vie, sa beauté… ainsi que son côté éphémère. Je vous accorde que c’est très poétique, dit comme ça, et que ce n’est pas sans rappeler un certain courant de pensée chinoise. On atteint l’éveil en méditant en position assise, dite “zazen”.
En fait, le zen c’est, expliqué vulgairement, une fusion entre le bouddhisme et la pensée taoïste de Lao Tseu. C’est pour ça qu’il y a énormément de confusions entre tous ces termes. Refermons maintenant cette parenthèse, pour ne plus vous le terme occidental du mot “zen”.
Comment devenir Zen avec le tai-chi-chuan alors ?
Si on parvient à faire circuler correctement notre qì, on pourra se défaire des blocages et des tensions que notre corps peine à se débarrasser en temps normal. À force, cela permet de se sentir mieux, plus détendu, et on finit par se relâcher. La respiration qui est un élément central dans le tai ji quan, nous aide à mieux nous recentrer sur nous-même, à nous concentrer sur ce que nous faisons – en l’occurrence, du tai ji, ici. Et ce n’est pas pour rien qu’on vous conseille d’inspirer puis expirer de manière lente, lorsque vous vous sentez mal, en crise, stressé ! La respiration abdominale vous permet de mieux oxygéner votre corps, de rejeter plus facilement les toxines dans vos poumons.
Tous ces moyens qui permettent d’atteindre “l’extérieur” grâce à “l’intérieur” vont nous rendre serein, tel que nous le concevons d’un œil occidental : on se sent “zen”, en harmonie avec soi-même. Le tai-chi-chuan apporte également une meilleure stabilité, un équilibre dans la posture du pratiquant ; le risque de chute s’en retrouve réduit chez les plus âgés. L’avantage, c’est que cet art martial peut se pratiquer quand on veut, on n’a pas besoin d’une tenue exigeante, si ce n’est confortable. Pas besoin non plus d’un espace énorme non plus. Le tai ji quan vous offre alors un bon moyen d’atteindre cette zenitude tant plébiscitée de nos jours. Lentement, mais sûrement.
Pour finir…
Seriez-vous prêt à adopter le tai-chi-chuan dans votre vie pour devenir “zen” ? Lorsqu’on emploie ce mot, de nombreuses disciplines et pensées asiatiques sont trop souvent confondues avec : feng shui, taoïsme, yoga, méditation, Confucius, entre autres. Le public occidental va devoir apprendre à faire la différence entre tous ces mots, afin d’éviter un abus de langage. Le terme “zen” est un exemple qui est parlant. On l’emploie à tort et à travers dans la vie de tous les jours, et ce, sans en connaître l’origine. Il faut dire que la loi du marketing influence beaucoup notre vocabulaire également. Ce dernier est affecté par des raccourcis qui n’ont pas lieu d’être…
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